Évaluer les rotateurs de l’épaule : Ratios, normes et prévention des blessures chez le sportif

L’équilibre entre les rotateurs internes et externes de l’épaule est un facteur clé pour prévenir les blessures et optimiser la performance, notamment dans les sports impliquant le haut du corps (par exemple : handball, volleyball, etc.). Le ratio RE/RI permet d’évaluer ce déséquilibre potentiel. Grâce aux outils de mesure modernes comme les dynamomètres manuels, cette analyse devient simple, fiable et applicable en cabinet. 

Dans cet article, nous allons décortiquer ce que signifient réellement les ratios des rotateurs, expliquer comment évaluer les rotateurs de l’épaule et surtout, proposer des pistes concrètes de prévention et de correction des déséquilibres.

Que vous soyez kinésithérapeute, coach sportif ou athlète soucieux de préserver vos épaules, ce guide vous permettra de mieux comprendre, mesurer et corriger les déséquilibres musculaires liés à la coiffe des rotateurs.

CONTENTS:

1- Pourquoi évaluer les rotateurs de l’épaule ?
2- Comprendre les ratios RE/RI : définitions & normes
3- Détecter les déséquilibres : asymétries et seuils critiques
4- Évaluer les rotateurs : méthodes pratiques en cabinet
5- Influences anatomiques & neurologiques à connaître
6- Que faire si le ratio est bas ? Approches correctives
7- FAQ : les questions fréquentes des praticiens
8- Conclusion
9- Références

1- Pourquoi évaluer les rotateurs de l’épaule ?

Dans les sports sollicitant intensément le haut du corps comme le volley, le tennis, la natation ou le handball, l’épaule est l’une des articulations les plus exposées aux blessures. Qu’il s’agisse de douleurs chroniques, de conflits sous-acromiaux ou de pertes de performance, ces pathologies ont bien souvent un point commun : un déséquilibre musculaire entre les rotateurs internes (RI) et rotateurs externes (RE) de l’épaule.

Or, un simple test de force ciblé peut permettre de prévenir ces blessures, à condition d’évaluer les bons paramètres. C’est ici qu’intervient la notion de ratio RE/RI, un indicateur clé pour juger de l’équilibre de l’épaule.

Longtemps réservée aux laboratoires équipés d’isocinétisme, l’évaluation de ces ratios devient aujourd’hui accessible en cabinet grâce à des outils comme les dynamomètres portables de Kinvent, qui permettent de mesurer précisément la force générée par les groupes musculaires concernés. Ces mesures offrent une lecture fiable du risque de blessure… à condition de savoir interpréter les résultats.

évaluer les rotateurs de l’épaule

2- Comprendre les ratios RE/RI : définitions & normes

Le ratio entre la force des rotateurs externes (RE) et internes (RI) de l’épaule est un indicateur clé pour évaluer l’équilibre musculaire et prévenir les blessures. Deux principaux types de ratios sont utilisés en clinique et en recherche (Evangelidis PE., 2015) :

  • Ratio conventionnel : force RE concentrique / force RI concentrique
  • Ratio fonctionnel : force RE excentrique / force RI concentrique

2.1. Pourquoi distinguer ces deux ratios ?

Le ratio conventionnel reflète l’équilibre musculaire lors des contractions classiques. En revanche, le ratio fonctionnel intègre la phase excentrique des rotateurs externes, essentielle dans les sports overhead où les RE contrôlent la décélération du bras (par exemple : lancer, tennis). Ce ratio est donc souvent plus représentatif du fonctionnement réel de l’épaule.

2.2. Valeurs de référence

Les études scientifiques (Hadzic, 2014; Boettcher C, 2020; Johansson, 2022) convergent vers certaines valeurs de référence considérées comme « saines » :

  • Ratio sain conventionnel : entre 0,66 et 0,75
  • Chez les sportifs, une tolérance jusqu’à 0,86 est admise en raison des adaptations spécifiques
  • Un ratio inférieur à 0,60 est considéré comme un red flag, indiquant un risque de blessure significativement accru. (Kraan, 2019)

2.3. Pourquoi les rotateurs internes sont-ils naturellement plus forts ?

Anatomiquement, les rotateurs internes regroupent des muscles plus volumineux et puissants que les rotateurs externes. Le grand pectoral, le grand dorsal et le subscapulaire présentent une plus grande surface de section transversale, ce qui leur confère un avantage mécanique. En comparaison, les rotateurs externes (infra-épineux, petit rond) sont plus petits et moins puissants, ce qui explique que la force des RI soit naturellement plus élevée dans la population générale.

3- Détecter les déséquilibres : asymétries et seuils critiques

L’analyse du ratio RE/RI ne se limite pas à une simple valeur globale : c’est aussi l’observation des asymétries qui révèle un risque réel de blessure. Ces déséquilibres peuvent concerner soit le ratio lui-même (trop faible), soit une différence marquée entre les deux épaules.

3.1. Asymétrie entre côté dominant et non-dominant

Chez les sportifs, une différence de force est attendue entre le côté dominant (souvent sursollicité) et le non-dominant. Cependant, une asymétrie supérieure à 15 % est considérée comme pathologique. Elle peut être le signe d’une surcharge chronique, d’une faiblesse non compensée, voire d’un début de pathologie de la coiffe des rotateurs.

3.2. Quand le ratio est trop bas

Un ratio RE/RI inférieur à 0,60 indique une insuffisance des rotateurs externes par rapport aux internes. Cela entraîne :

  • Une surcharge des structures antérieures de l’épaule (ligaments, capsule, tendon du subscapulaire)
  • Un risque accru d’instabilité gléno-humérale
  • L’apparition de conflits sous-acromiaux ou de douleurs post-effort
  • Une perte de contrôle dans les mouvements rapides (lancer, smash, service…)

Ces déséquilibres sont fréquemment observés dans les sports de lancer, de raquette, de natation et de handball, où les contraintes mécaniques sont élevées et répétées.

Encadré pratique : Quand s’inquiéter ?

  • Ratio RE/RI < 0,60
    → Risque élevé de blessure
  • Asymétrie inter-épaule > 15 %
    → Déséquilibre à corriger
  • Ratio fonctionnel < 1
    → Défaut de décélération, attention en sport overhead

4- Évaluer les rotateurs d’épaule : méthodes pratiques en cabinet

Longtemps réservée à des centres équipés d’isocinétisme, l’évaluation des rotateurs de l’épaule est désormais réalisable en cabinet grâce aux dynamomètres portables, comme le K-Push et le K-Pull couplés à l’application Kinvent. Ces outils permettent de mesurer la force musculaire de manière fiable, rapide et reproductible, sans contrainte d’espace ni de budget.

évaluation des rotateurs de l’épaule est désormais réalisable en cabinet grâce aux dynamomètres portable

4.1. Tests recommandés 

Plusieurs tests sont possibles pour mesurer les forces des rotateurs :

  • Test isométrique en rotation externe (RE) et interne (RI), en position assise, bras à 90° d’abduction dans le plan de la scapula
  • Comparaison entre épaule dominante et non-dominante
  • Mesure à différents angles si besoin (R2-abduction 90°, R1-bras le long du corps, etc.)
  • Trois essais par position pour obtenir une moyenne fiable

plusieurs tests sont possibles pour mesurer les forces des rotateurs

Les dynamomètres manuels K-Push et K-Pull permettent une prise de mesure rapide et précise, avec feedback direct sur l’écran de l’app Kinvent ou de la tablette.

4.2. Le protocole Kinvent recommandé

Pour une évaluation standardisée :

  • Position du patient : assis, dos droit, bras à 90° d’abduction, coude fléchi à 90°
  • Fixation du dynamomètre K-Push (ou de la sangle K-Pull) : contre le poignet ou la face dorsale/ventrale de l’avant-bras selon le test
  • Test isométrique de 5 secondes x 3 répétitions, repos 30 secondes entre essais
  • Calcul automatique du ratio RE/RI via l’application Kinvent

4.3. Suivi dans l’application Kinvent

L’application dédiée permet :

  • Le calcul instantané du ratio RE/RI
  • La comparaison inter-épaule
  • L’analyse de la progression dans le temps
  • Des graphiques clairs pour le suivi du patient
  • L’export des données pour les dossiers ou comptes-rendus

Cette approche rend l’analyse accessible et répétable à toutes les étapes : bilan initial, suivi de rééducation, retour au sport.

5- Influences anatomiques & neurologiques à connaître

Le ratio RE/RI ne dépend pas uniquement de l’entraînement ou du geste sportif. Certains facteurs anatomiques et neurologiques influencent naturellement les forces observées et doivent être pris en compte dans l’interprétation des résultats.

5.1. Déséquilibre de masse musculaire

Les rotateurs internes (grand pectoral, grand dorsal, subscapulaire) possèdent une surface de section plus importante que celle des rotateurs externes (infra-épineux, petit rond). Ce déséquilibre anatomique explique en partie pourquoi les RI sont naturellement plus forts.

Dans certains cas, un développement excessif des muscles antérieurs (notamment chez les sportifs qui font beaucoup de musculation orientée « pousser ») accentue encore cet écart, au détriment des stabilisateurs postérieurs.

5.2. Rôle du petit rond en abduction

Une étude de Dalagiannis (2020) a montré que le petit rond peut générer jusqu’à 45 % de la force en rotation externe lorsque le bras est en abduction. Cela souligne l’importance de cibler ce muscle dans les tests et les renforcements spécifiques, en particulier chez les lanceurs.

5.3. Compression nerveuse : syndrome de l’espace quadrilatère

Chez certains sportifs (notamment en musculation, en volleyball ou en sports de lancer), un syndrome du carrefour postérieur ou de l’espace quadrilatère peut apparaître. Il s’agit d’une compression du nerf axillaire ou du nerf du muscle supra-scapulaire, causant :

  • Une baisse de force des RE (infra-épineux, petit rond)
  • Une fatigabilité musculaire précoce
  • Parfois des douleurs postérieures diffuses ou irradiantes

Dans ces cas, le ratio RE/RI chute sans cause musculaire directe apparente. Une prise en charge neurologique ou un traitement manuel ciblé peut alors s’avérer nécessaire (mobilisation, neurodynamique, décoaptation postérieure…).

📌 À retenir :

  • Un ratio déséquilibré n’est pas toujours le signe d’un déficit de renforcement
  • Penser à l’anatomie, à la posture, et aux facteurs neurologiques
  • Savoir investiguer un déficit inhabituel malgré un travail de renforcement bien conduit

6- Que faire si le ratio est bas ? Approches correctives

Un ratio RE/RI trop faible, en particulier en dessous de 0,60, indique un déséquilibre préoccupant entre les rotateurs internes et externes de l’épaule. Ce déséquilibre peut entraîner des douleurs, une perte de performance et un risque accru de blessure, notamment en sport overhead. Heureusement, des approches correctives ciblées permettent de rétablir un équilibre fonctionnel.

6.1. Objectif 1 : renforcer les rotateurs externes (RE)

Le travail spécifique des RE est la priorité dans un protocole de correction. Les méthodes les plus efficaces sont :

  • Renforcement excentrique (élastiques, poulies, haltères légers)
  • Travail en position d’abduction (90°, plan scapulaire)
  • Tempo training : ralentir volontairement les phases excentriques (par ex. 3 secondes lors du retour du mouvement). Cette approche améliore le contrôle moteur, stimule davantage les fibres stabilisatrices et optimise le transfert vers les gestes sportifs.
  • Progression en contrôle moteur, puis en charge (travail lent, tempo contrôlé)
  • Exercices en chaîne ouverte et fermée selon le niveau

tempo training

💡 Conseil : privilégier les exercices dans des angles fonctionnels proches du geste sportif (ex. : position de smash ou de lancer), en intégrant systématiquement un tempo contrôlé pour renforcer la qualité d’exécution et réduire le risque de compensation.

6.2. Objectif 2 : cibler les stabilisateurs de l’omoplate

Un déséquilibre du ratio RE/RI s’accompagne souvent d’une dyskinésie scapulaire. Il est donc essentiel de renforcer les muscles :

  • Dentelé antérieur
  • Trapèze inférieur
  • Rhomboïdes

Ces muscles assurent une coaptation active de la scapula et optimisent l’efficacité des RE.

6.3. Objectif 3 : améliorer le contrôle neuromusculaire

Certains athlètes présentent un ratio bas malgré un bon niveau de force brute. Le problème est alors d’ordre neuromusculaire. Les exercices de stabilité, de perturbation externe (ballons, charges instables) ou d’auto-rééducation avec biofeedback sont ici très utiles.

Exemples :

  • Travail avec ballon de rééducation contre le mur
  • Stimulation des réflexes proprioceptifs en instabilité
  • Exercices avec feedback visuel via l’app Kinvent

6.4. Exemples de protocoles validés

Des programmes progressifs sur 6 à 12 semaines ont montré leur efficacité chez les sportifs overhead :

  • 3 séances/semaine, 20 à 30 minutes
  • Renforcement ciblé des RE + stabilisateurs
  • Intégration de travail fonctionnel à partir de la 4e semaine

Résultats : augmentation du ratio RE/RI de +20 à +30 %, réduction des douleurs et amélioration de la performance au lancer ou au smash.

6.5. Cas particulier : syndrome du carrefour postérieur

Chez les athlètes souffrant d’un conflit postérieur ou d’une douleur sourde à la face postérieure de l’épaule, la fibrolyse diacutanée peut être intégrée au protocole.

Une étude menée avec l’outil Kinvent a montré un gain de +25 % de force en RE après traitement manuel (Cadellas Arroniz, 2021).

🔁 Suivi de progression :

  • Refaire les tests de ratio toutes les 3 à 4 semaines
  • Comparer les données dans l’application Kinvent
  • Adapter le programme selon les évolutions

7- FAQ : les questions fréquentes des praticiens

Que signifie un ratio RE/RI < 0,60 ?

Un ratio inférieur à 0,60 indique une dominance excessive des rotateurs internes par rapport aux externes. Cela augmente considérablement le risque de blessure : instabilités, conflits sous-acromiaux, douleurs à la décélération. Ce ratio est considéré comme pathologique, notamment chez les sportifs overhead.

L’asymétrie inter-épaule est-elle toujours problématique ?

Une légère asymétrie (<10-15 %) entre le côté dominant et le non-dominant est physiologique chez les sportifs. Cependant, au-delà de 15 %, elle devient un signal d’alerte. Ce seuil peut varier selon le sport, mais il doit pousser à une évaluation plus approfondie et à une rééducation ciblée.

À quelle fréquence faut-il tester les rotateurs de l’épaule ?

Idéalement :

  • En début de saison (bilan de référence)
  • En milieu de cycle de renforcement
  • Avant et après une phase de compétition intense
  • En cas de douleur ou perte de performance

Chez les sportifs à risque (overhead), un suivi toutes les 6 à 8 semaines est recommandé, surtout si un déséquilibre a déjà été observé.

Peut-on corriger un ratio déséquilibré en quelques semaines ?

Oui, avec un protocole ciblé, il est possible d’observer une amélioration significative en 6 à 12 semaines :

  • Renforcement excentrique des rotateurs externes
  • Travail postural et scapulaire
  • Neuromusculaire & proprioception

Des études montrent une progression du ratio de +20 à +30 % sur 12 semaines chez des nageurs ou joueurs de tennis (Cadellas Arroniz, 2021).

Une IRM est-elle nécessaire en cas de déséquilibre persistant ?

Pas systématiquement. Un ratio déséquilibré n’implique pas forcément une lésion. L’IRM est indiquée en cas de :

  • Douleurs persistantes malgré la rééducation
  • Suspicion de rupture de coiffe
  • Blocage mécanique ou perte de mobilité

Dans la majorité des cas, une évaluation fonctionnelle via dynamométrie et bilan clinique suffit pour orienter la prise en charge.

8- Conclusion 

L’évaluation des rotateurs de l’épaule, et en particulier du ratio RE/RI, constitue un outil essentiel pour anticiper les blessures, guider la rééducation et optimiser la performance, notamment chez les sportifs overhead.

Grâce à des solutions modernes comme les dynamomètres et l’application Kinvent, cette analyse devient accessible, fiable et reproductible en cabinet ou sur le terrain.

Comprendre les normes, détecter les déséquilibres, adapter les protocoles : autant d’étapes clés pour intégrer l’évaluation isométrique dans une prise en charge fondée sur la donnée objective.

Prévenir plutôt que subir : avec les bons outils et les bons repères, vous avez toutes les cartes en main pour protéger durablement l’épaule de vos patients ou athlètes.

9- Références